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Les énergies renouvelables sont-elles un investissement financièrement viable pour un avenir durable ?

Alessandro Sassano

Les énergies renouvelables sont-elles un investissement financièrement viable pour un avenir durable ?

Introduction

La crise climatique est une réalité imminente, et nous devons agir de toute urgence pour atténuer les dommages qu’elle a déjà commencé à causer. Les preuves du changement climatique sont visibles dans le monde entier. Rien qu’en 2022, l’ouragan Ian a ravagé les côtes du sud-est des États-Unis, une sécheresse s’est étendue sur plus de 60 % du sol européen et des inondations ont dévasté des communautés, causant des milliards de dégâts en Chine, au Pakistan et en Australie.

La consommation d’énergie représente plus des deux tiers des émissions totales de CO2 dans le monde. Et dans les pays qui ne disposent pas de plans progressifs de production d’électricité, comme les États-Unis, la consommation d’électricité représente environ 32 % de ces émissions [1]. L’électricité propre est donc un facteur essentiel pour réduire les émissions mondiales. Grâce aux nouveaux développements technologiques réalisés chaque jour, nous arrivons à un point où les systèmes d’énergie renouvelable constituent une solution rentable pour réduire les émissions. Nous devons donc nous demander pourquoi il existe encore un mythe selon lequel l’énergie renouvelable n’est pas une méthode financièrement viable pour aider à freiner le changement climatique ?

Contextualiser l’enjeu

Quantifier la quantité d’émissions de CO2 que l’on réduit en alimentant un réseau à partir de sources renouvelables permet de contextualiser le problème que posent les combustibles fossiles. Si l’on prend l’exemple des États-Unis, le pays émet 0,855 livre de CO2 par kWh d’énergie qu’il produit. Si l’on considère que le pays produit 4,11 trillions de kWh d’électricité par an, il émet 1,65 milliard de tonnes métriques de CO2par an [2]. En comparaison, un rapport de 2015 a déterminé que les émissions du Canada par kWh étaient de 0,309 livre de CO2 par kWh produit, un chiffre qui a presque certainement diminué depuis ce temps [5]. Si le réseau énergétique des États-Unis atteignait simplement la même répartition que celle du Canada en 2015, cela entraînerait une réduction de plus d’un milliard de tonnes d’émissions de CO2 par an, un changement tout à fait significatif.

Le Canada – un leader en production d’électricité propre

Les énergies renouvelables proviennent de nombreuses sources, notamment l’énergie hydraulique, éolienne, solaire et géothermique. Le Canada est un leader dans la production d’électricité à partir de sources renouvelables, avec environ 82% de son électricité provenant de sources renouvelables et propres (nucléaire) [3]. La figure suivante, tirée du site Web du gouvernement canadien, montre à quel point les plus grands producteurs canadiens sont en retard lorsqu’il s’agit d’intégrer les énergies renouvelables dans leurs réseaux électriques. L’hydroélectricité est en tête des producteurs canadiens, puisqu’elle est responsable de 59 % de l’électricité de notre pays, bien qu’il faille noter que l’accès à de vastes étendues d’eau est un luxe que tous les pays ne possèdent pas. Pour rester compétitif dans le paysage de l’électricité propre, le Canada doit continuer à donner l’exemple en matière d’investissements dans les infrastructures d’énergie propre.

Figure 1 : Pourcentage de l’électricité totale produite à partir de sources propres pour les pays les plus producteurs par rapport au Canada

 

Les énergies renouvelables sont-elles un investissement rentable ?

Le coût de production de l’électricité à partir de sources renouvelables et propres est déjà devenu compétitif, toutes les méthodes de production d’électricité autres que la géothermie ayant un coût nivelé de l’électricité (LCOE) inférieur à 10 ¢/kWh, comme le montre la figure ci-dessous. Le LCOE est une mesure très utile pour évaluer la rentabilité d’un système puisqu’il inclut à la fois les coûts d’investissement et les coûts d’exploitation pour produire de l’électricité à partir du système. Cependant, cela nous amène à l’un des principaux obstacles qui dissuadent les investisseurs de se lancer dans des projets d’énergie renouvelable : le coût initial de la construction de nouvelles infrastructures. Tirer de l’énergie de sources renouvelables nécessite souvent d’importants investissements en capital et des années pour construire l’infrastructure requise. Ces investissements comprennent la construction d’éoliennes, de parcs solaires et de barrages hydroélectriques. Même si les systèmes ont des coûts d’exploitation considérablement plus bas que leurs équivalents à base de combustibles fossiles une fois qu’ils sont opérationnels, le risque accru et les dépenses en capital signifient qu’il est plus difficile de trouver des investisseurs pour ce secteur émergent. Les plus grands acteurs actuels du secteur canadien des énergies renouvelables sont Brookfield Renewable Partners (BEP-UN.TO) et Northland Power (NPI.TO), dont les capitalisations boursières s’élèvent respectivement à 24,1 milliards et 8,45 milliards de dollars.

Figure 2 : LCOE pour différentes sources d’électricité

 

Considérations sur l’économie

Les mythes, le plus souvent propagés par l’industrie pétrolière et gazière, qui entourent le secteur des énergies renouvelables contribuent également à influencer l’opinion publique et, par conséquent, les financements publics en faveur de l’industrie pétrolière et gazière. Le plus notable de ces affirmations est le mythe selon lequel le secteur des énergies renouvelables supprimera les emplois créés par l’industrie pétrolière et gazière. S’il est vrai que la réduction de l’influence de l’industrie pétrolière et gazière entraînera la suppression d’emplois, ces emplois seront plus que compensés par le boom industriel créé par l’industrie des énergies renouvelables. Selon le Forum économique mondial 2022, le secteur des énergies renouvelables devrait créer 10,3 millions d’emplois supplémentaires dans le monde d’ici 2030, ce qui éclipse les 2,7 millions d’emplois pétroliers et gaziers qu’il rendra obsolètes [3]. En outre, la majorité de ces emplois devraient être créés dans les secteurs de l’efficacité électrique, de la production d’électricité et de l’automobile, autant de domaines dans lesquels les travailleurs précédemment employés dans le secteur pétrolier et gazier pourraient facilement transférer leurs compétences. Le gouvernement devrait considérer ces avantages économiques comme une opportunité potentielle et commencer à travailler à la transition de l’industrie des combustibles fossiles plutôt que de donner un montant estimé à au moins 4,8 milliards de dollars par an pour soutenir l’industrie pétrolier [6].

Limites techniques

Cependant, les facteurs économiques ne sont pas les seules considérations qui entravent l’intégration des énergies renouvelables. Les limites techniques des énergies renouvelables doivent également être prises en compte, notamment leur nature intermittente et leur difficulté à être stockées. La première de ces deux questions, l’idée qu’un réseau ne peut pas compter sur les énergies renouvelables en raison de leur disponibilité imprévisible, est également un mythe. La production d’énergie solaire et éolienne sont dépendant de conditions météorologiques imprévisibles. Donc, on pense généralement que leur intégration dans le réseau est un processus complexe et long et que tout réseau trop dépendant de sources intermittentes devra sacrifier la fiabilité. Cependant, plus de 40 % du réseau électrique Allemand est alimenté par l’énergie éolienne et solaire (bien plus que les 5 % du Canada) et l’Allemagne a un des taux de coupure de courant les plus bas du monde, juste derrière le Liechtenstein et la Finlande en Europe et avec environ un cinquième du temps d’arrêt comparé au réseau des États-Unis [4]. Bien que la planification de la variabilité nécessite une ingénierie et des algorithmes complexes, le concept de disponibilité des machines n’est pas nouveau et les ingénieurs planifient depuis longtemps les temps d’arrêt non planifiés pour assurer la stabilité des réseaux d’énergie.

 

Le stockage de l’énergie est souvent envisagé en parallèle avec la nature intermittente des énergies renouvelables, car si l’énergie pouvait être facilement stockée, sa variabilité ne serait plus un problème. Le stockage par pompage, utilisé dans les barrages hydroélectriques, reste la forme la plus courante de stockage de l’énergie produite par des sources renouvelables, mais il n’est pas applicable à l’énergie solaire ou éolienne. À l’inverse, le stockage par batterie à l’échelle du réseau connaît une croissance explosive. Bien qu’il ne contrôle encore qu’une petite partie de la part de marché, l’utilisation du stockage par batterie a été multipliée par 21 entre 2015 et 2021, comme le montre la figure ci-dessous [5]. À mon avis, le stockage sur batterie à l’échelle du réseau représente le dernier obstacle à surmonter pour que la transition vers une énergie propre se réalise. Une fois que cette technologie sera répandue, les pays n’auront plus aucune raison économique de ne pas se défaire des combustibles fossiles.

Figure 3 : Quantité de batteries de stockage installées sur le réseau au fil des ans

 

La crise climatique – un problème plus grand que l’électricité

Bien que les chiffres relatifs à l’électricité propre semblent prometteurs, nous devons tenir compte de l’ensemble de la situation avant d’être trop optimistes. Le Canada consomme encore une énorme quantité d’énergie par rapport à la taille de sa population. En fait, le Canada se classe au 8e rang de tous les pays pour la consommation d’énergie par habitant [2]. Une planification inefficace du climat nordique du Canada, une infrastructure dépendante de la voiture et une économie reposant sur l’extraction de ressources à forte intensité énergétique font du Canada l’un des plus grands consommateurs d’énergie au monde. Et comme la consommation d’énergie est en hausse au niveau mondial, comme le montre le graphique ci-dessous, la réduction de la consommation sera un objectif essentiel pour le gouvernement canadien dans les années à venir.

Figure 4 : Consommation énergétique mondiale au fil des ans

 

Conclusion

Les énergies renouvelables sont nettement meilleures pour l’environnement que les combustibles fossiles et leur rentabilité s’accroît de jour en jour. Cependant, de nombreux mythes entourent encore leur viabilité et dissuadent les investisseurs de s’y intéresser. Nous entrons dans une période où les bénéfices d’un investissement précoce dans les énergies renouvelables commencent à se matérialiser. Afin de maximiser les avantages qui peuvent être réalisés en introduisant de l’électricité propre dans leurs réseaux, les investisseurs doivent commencer à agir dès maintenant.

 

Toutefois, si le nettoyage des sources d’énergie alimentant notre réseau peut réduire considérablement les émissions de notre pays, les énergies renouvelables ne constituent pas une solution miracle au changement climatique, elles ne sont qu’une pièce du casse-tête. Pour résoudre la crise climatique, nous devons adopter une législation respectueuse de l’environnement qui aidera la population canadienne à réduire sa consommation d’énergie et à se désengager davantage de l’industrie des combustibles fossiles, ouvrant ainsi la voie à un avenir durable.

 

Références

[1]

EIA, Available: https://www.eia.gov/tools/faqs/faq.php?id=77&t=11#:~:text=How%20much%20of%20U.S.%20carbon,emissions%20of%204%2C903%20(MMmt)..

[2]

EIA, Available: https://www.eia.gov/tools/faqs/faq.php?id=74&t=11#:~:text=In%202021%2C%20total%20annual%20U.S.,billion%20short%20tons%E2%80%94of%20carbon.

[3]

Statistica, Available: https://www.statista.com/statistics/917172/emission-intensity-canada-by-province/.

[4]

Government of Canada, Available: https://www.cer-rec.gc.ca/en/data-analysis/energy-commodities/electricity/report/canadas-renewable-power/provinces/renewable-power-canada-canada.html.

[5]

World Economic Forum, Available: https://www.weforum.org/agenda/2022/03/the-clean-energy-employment-shift-by-2030/.

[6]

IISD, Available: https://www.iisd.org/articles/unpacking-canadas-fossil-fuel-subsidies-faq.

[7]

Yale University, Available: https://e360.yale.edu/features/three-myths-about-renewable-energy-and-the-grid-debunked.

[8]

IEA, Available: https://www.iea.org/reports/grid-scale-storage.

[9]

Statista, Available: https://www.statista.com/statistics/268151/per-capita-energy-consumption-in-selected-countries/#:~:text=Qatar%20has%20the%20highest%20per,was%20derived%20from%20fossil%20fuels..

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