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Pénurie du logement – causes et solutions

LAURENT BENOIT

Pénurie du logement – causes et solutions

La pénurie du logement est un enjeu crucial au Québec en 2022. Selon un sondage Recherche Mainstreet, 84% des Québécois juge que l’accès au logement et à la propriété est un problème important.1 Le logement est aussi responsable d’une grande partie des dépenses des ménages. Selon Statistique Québec, en 2017, les ménages québécois allouaient au moyenne 20% de leurs revenus au logement.2 Tous les politiciens et responsables des gouvernements s’entendent pour dire qu’il manque de logement au Québec. La Société canadienne d’hypothèque et de logement (SCHL) juge que le taux d’équilibre du marché immobilier est de 3%. C’est-à-dire que pour être à l’équilibre (pas de pénurie, pas de surplus), il est désirable que 3% des logements soient vacants à un moment donné. Ces logements peuvent être en rénovation, en transition entre deux locataires, etc. Dans plusieurs régions du Québec, le taux d’inoccupation est bien en deçà du taux d’équilibre. À Granby, Drummondville, Marieville et Rimouski, les taux d’inoccupation sont de 0,1 à 0,2%. À Trois-Rivières, Sherbrooke, Sainte-Adèle, Alma, Joliette, Rivière-du-Loup et Victoriaville, ce taux est d’environ 1%. À Montréal, il est d’environ 3%, mais les logements qui sont vacants sont à un prix qui n’est pas accessible pour la majorité de la population. Nous avons donc clairement une pénurie de logement au Québec. La question qui reste à répondre est pourquoi? Pourquoi, au Québec, avons-nous une pénurie de logement? Le problème est complexe et ses causes le sont tout autant. Le manque de nouvelle construction, les changements démographiques et le contrôle des prix des loyers seront étudiés comme étant trois causes importantes de la pénurie de logement au Québec. 

Premièrement, il est évident qu’il manque de mise en chantier de construction neuve au Québec. Selon la SCHL, pour atteindre un seuil acceptable d’abordabilité, il faudrait ajouter 620 000 logements au Québec d’ici 2030.3 Pour y arriver, il serait nécessaire de doubler les mises en chantier annuelle, ce qui représente un enjeu de taille puisque le secteur de la construction est miné par le problème du manque de main d’œuvre. Un autre enjeu est que le processus d’acceptation de nouveaux projets de développement immobilier est long et complexe. Les délais sont très longs et le processus est ardu, ce qui ajoute un cout supplémentaire aux développeurs. Aussi, les lois sur le zonage étant très stricte au Québec, il faut se demander pourront être construit les 620 000 logements supplémentaires que propose la SCHL. La densification de la population peut être envisagé afin de limiter la superficie de terrains nécessaires aux nouvelles constructions. La productivité en construction doit aussi être grandement amélioré. La numérisation et l’automatisation a permis aux travailleurs de beaucoup d’industrie d’être beaucoup plus efficaces dans les dernières années. Le secteur de la construction traine de la patte au Québec. Selon une étude de HEC Montréal, la productivité en construction de 2000 à 2010 n’a augmenté que de 0,49% annuellement. À ce taux de gains de productivité, le secteur de la construction se trouve à être l’un des moins performants de notre économie.4 La fragmentation des travailleurs en différents corps de métiers compartimentés (électricien, menuisier, plombier, etc) rend les gains en productivité difficiles à obtenir puisque les travailleurs ne peuvent offrir aucune flexibilité aux employeurs. Tout ces facteurs font en sorte que la capacité de production de logement au Québec est en deçà de la demande du marché, ce qui crée de la pression sur celui-ci. 

Deuxièmement, depuis plusieurs décennies, le Québec connait de grands changements démographiques qui ont un impact direct sur le marché du logement. Selon Statistique Canada, en 2016, les ménages d’une seule personne sont devenus le type de ménage le plus répandu (28 %) pour la première fois en 150 ans d’histoire du Canada.5 En 2021, c’est 29% des ménages qui sont constitués d’une seule personne, tandis qu’en 1941 c’était seulement 6%! En 2021, 4,4 millions de personne vivaient seules au Canada, comparativement à 1,7 millions de personne en 1981. Ce changement d’habitude a évidemment un impact sur la demande en logement puisque même si la population n’augmentait pas, on aurait besoin de plus de logement.  Le vieillissement de la population est une raison qui explique pourquoi plus de gens qu’avant habitent seul. En effet, 42% des gens âgés de 85 ans et plus habitent seul comparativement à 7% des 20 à 24 ans. C’est donc une importante variable à considérer lorsqu’on parle de pénurie de logement. Les gens vivent plus vieux et veulent, la plupart du temps, garder leur logement. La proportion des gens de 35 à 44 ans qui habitent seul a, de son coté, passé de 5% en 1981 à 10% en 2021. Malgré tout ce qui a été dit dans la dernière année par rapport au prix indécent des logements, il ne faut pas oublier que si de plus en plus de gens habitent seul, peut-être que les logements ne sont pas si inabordables que ça au Québec.  

Troisièmement, le contrôle de l’augmentation des loyers au Québec a un impact sur l’accès au logement. Au Québec, un propriétaire de logement ne peut augmenter le loyer d’un logement autant qu’il le veut. Le Tribunal administratif du logement (TAL) établie une recommandation d’augmentation annuelle qui est typiquement entre 1 et 2%. Si l’augmentation proposée par le propriétaire est supérieure, le locataire peut contester l’augmentation devant le TAL. Entre 2012 et 2020, le TAL a accordé une augmentation moyenne inférieure à 2% lors des contestations. Alors, quel est le problème? En quoi est-ce que tout cela est lié avec la pénurie de logement? Pour y répondre, il faut considérer la bonne vieille théorie économique de l’offre et la demande. Il a été établi précédemment que l’offre en logement au Québec ne répondait pas à la demande grandissante. Alors, le point d’équilibre devrait se déplacer vers la droite et vers le haut sur le graphique ci-dessous pour trouver le nouveau point d’équilibre. Cependant, puisqu’il est impossible pour les prix de monter, il est inévitable d’arriver dans une situation de pénurie puisque la quantité demandée est plus grande que ce que le marché est prêt à fournir. Il me semble évident que si notre litre d’essence coutait toujours 1$, ça ferait longtemps qu’il y aurait pénurie puisque la demande serait beaucoup plus grande que l’offre. Le prix étant un outil servant à balancer l’offre et la demande, il est dangereux de miner son pouvoir dans un marché crucial comme le logement. L’écart entre les prix des loyers contrôlés et leur valeur réelle engendre également un problème de taille : les « rénovictions ». Puisque les propriétaires ne peuvent pas augmenter les prix de leur loyer lorsqu’un locataire reste dans le logement, plusieurs propriétaires décident d’évincer leurs locataires afin de pouvoir louer les appartements au prix du marché. Cette pratique crée, avec raison, beaucoup de mécontentement chez les groupes de locataires, puisque ceux-ci perdent leur logement.  

Les graphiques suivants démontrent le point d’équilibre de base (Q*), le point d’équilibre théorique s’il n’y avait pas de limite sur les prix (Q1) et les points avec pénurie (Qo et QD). Qo est la quantité que le marché est prêt à

Figure 1: Équilibre de base, nouvel équilibre sans contrôle des prix, pénurie avec contrôle des prix 

Afin d’en arriver à une solution durable pour le logement au Québec, il faudrait agir sur tous ces aspects. Bonifier l’offre, calmer la hausse de la demande et diminuer l’inefficacité économique créée par les contrôles de loyer. Pour y arriver, le gouvernement doit faire tout en son possible pour réduire les difficultés d’obtention de permis de construction et réduire au maximum les barrières administratives. Les gouvernements municipaux doivent travailler forts pour identifier de nouveaux terrains sur lesquels construire et densifier la population. Il sera impossible de régler la pénurie de logement sans encourager les investisseurs du secteur privé à construire des logements. Il sera également important d’investir en développement technologique pour améliorer la productivité dans le secteur de la construction et de revoir notre système très compartimenté des professions de la construction. Une meilleure productivité permettra de réduire les couts de construction et ainsi améliorer l’offre en logement. Il faut aussi revoir le système de contrôle des prix des loyers pour permettre au marché de s’équilibrer et d’éviter les écarts entre les prix perçus et la valeur réelle des loyers. Pour aider les gens qui ont de bas revenus, les subventions pour location pourraient être bonifiés. Cela permettra de changer les habitudes des locataires et aura comme impact que le marché du logement répondra plus efficacement à la demande. De plus, le nombre de « rénovictions » sera réduit puisque les investisseurs ne pourront plus profiter des grandes inefficacités du système.

 

References

Bloomberg. (2022). Ukraine Update: EU Warns China Not to Interfere With Sanctions. https://www.bloomberg.com/tosv2.html?vid=&uuid=052038a0-b1f7-11ec-a7b1-65534477456e&url=L25ld3MvYXJ0aWNsZXMvMjAyMi0wNC0wMS91a3JhaW5lLXVwZGF0ZS1yYXJlLWNyb3NzLWJvcmRlci1zdHJpa2UtdGFsa3MtbWF5LXJlc3VtZQ==

Business Times. (2022). Ukraine war : What explains the calm in global stock markets? https://www.businesstimes.com.sg/opinion/ukraine-war-what-explains-the-calm-in-global-stock-markets

Reuters. (2022). S&P Global says Russia-Ukraine insurance losses could reach $35 billion. https://www.reuters.com/business/finance/sp-global-says-russia-ukraine-insurance-losses-could-reach-35-billion-2022-03-31/

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